Le  10 mai 2021 le Président de la République recevait à l’Elysée, Serge Carel, Mohand Hamoumou, Claire Houd, Dalila Kerchouche. A l’issue de celle-ci, l’Elysée n’ayant pas souhaité communiquer, des questions ont commencé à fleurir sur les réseaux. A la veille d’une réception plus large le 20 septembre, il paraît sain d’apporter quelques éclairages.

Pourquoi cette réunion du 10 mai ? Parce qu’AJIR l’avait demandée par courrier en février afin de dire pourquoi le rapport Stora ne répondait pas aux attentes de ses adhérents et pour exprimer les raisons de leur demande prioritaire : une loi de reconnaissance des responsabilités de l’Etat  et de réparation des conséquences.

Pourquoi ces personnes ? Mohand Hamoumou, président national d’AJIR était le demandeur de l’audience. Il avait proposé d’être accompagné par Claire Houd, membre d’AJIR, habitant Paris. Serge Carel et Dalila Kerchouche ont été proposés par les conseillers du Président pour avoir plusieurs points de vue. Serge Carel est un ancien Harki, Président d’une association et Dalila Kherchouche, journaliste, est passée par le camp de Bias et a écrit un téléfilm sur ce sujet.
Ces personnes n’ayant pas été désignées par l’ensemble des harkis, pouvaient elles parler en leur nom ? Pas plus, ni moins, que toutes les personnes qui ont fait partie du HCR, du G12, de la commission Ceaux, etc. On sait bien que personne ne peut prétendre représenter tout le monde tellement cette communauté est divisée avec ses centaines d’associations dont la majorité n’ont aucune activité et souvent très peu d’adhérents.

Pourquoi il n’y a pas eu de compte rendu public ? Parce que ce n’était pas une réunion publique. Le président d’AJIR ne parlant qu’au nom des adhérents et sympathisants d’AJIR a rendu compte à ses adhérents. Lors de la convention nationale des 11 et 12 septembre, ouverte aux non adhérents, de larges extraits de la note remise au Président  ont été communiqués. Nous les publions  ici.

Quelles étaient les demandes transmises au Président ? Pour AJIR, la note  le dit clairement. C’est aussi ce qui a été repris à la suite de la convention dont la synthèse a été approuvée à l’unanimité des participants.

Extraits de la note transmise par Mohand Hamoumou, Président d’AJIR, à Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République avant l’entretien à l’Elysée le 10 mai 2021

Monsieur le Président,


Vous avez bien voulu répondre positivement à la demande d’audience exprimée par AJIR pour les Harkis en date du 10 février 2021. (Annexe 1) et je vous en remercie.


Nous sommes heureux et honorés de pouvoir vous exprimer les espoirs et revendications des associations et personnalités rassemblées au sein d’AJIR France.


Parce votre temps est précieux, encore plus en cette période de crise sanitaire, économique et sociale, et que finalement nous serons 4 puisque vous avez souhaité convier d’autres personnalités, voici les points prioritaires que j’espère aborder avec vous afin de connaître vos intentions à l’égard des anciens Harkis et leurs familles, pour pouvoir ainsi informer les adhérents d’AJIR, voire plus largement, via des sites. (Annexe 2, Présentation d’AJIR). Si le temps imparti ne le permet pas vous pourrez ainsi en prendre tout de même connaissance. Je me limiterai à 4 sujets dont le premier est le plus important.


1- Loi de reconnaissance de l’abandon des Harkis et de réparation
2- Egalité des chances et méritocratie républicaine
3- Le rapport Stora
4- Le rapport Ceaux


1- Loi de reconnaissance de l’abandon des Harkis par l’Etat français en 1962 et réparation de ses conséquences.


Depuis 20 ans, tous les Présidents de la République ont reconnu la réalité de l’abandon des Harkis en 1962 et la responsabilité des gouvernants de l’époque. (Annexe 3, courrier aux parlementaires)


Mais, malgré ces volontés affichées, les propositions de loi allant dans ce sens et déposées au bureau de l’Assemblée nationale n’ont jamais été votées. (Annexe 4, propositions de loi récentes) Extraits de la note transmise par Mohand Hamoumou, Président d’AJIR, à Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République avant l’entretien à l’Elysée le 10 mai 2021 AJIR a envoyé aux Présidents des groupes parlementaires et à de nombreux parlementaires un courrier les invitant à déposer une proposition de loi dépassant les clivages partisans. L’accueil est favorable.


Cependant, il est clair qu’aucune proposition de loi même émanant de l’ensemble des groupes d’opposition ne sera votée si les élus de LREM ne la votent pas. Et ils la voteront ou non en fonction de votre position. D’où l’importance de recueillir votre opinion. (…)


Il ne s’agit pas d’une loi mémorielle. On ne demande pas aux Députés et Sénateurs d’écrire l’histoire de la guerre d’Algérie. Il s’agit de reconnaître une faute de l’Etat (que 3 Présidents de la République ont déjà reconnue). (…)


Longtemps, une des objections avancée a été le coût éventuel pour les finances publiques. Or chacun voit, et vous l’a montré magistralement face aux revendications des Gilets jaunes et surtout face à la crise sanitaire et économique due au Covid 19, qu’il est toujours possible de trouver des financements si la volonté politique est présente. Le 9 juillet 2019 vous avez d’ailleurs reconnu que la « France n’avait pas été à la bonne hauteur » et que le travail engagé à l’égard des Harkis devait être poursuivi. (Annexe 5 : votre discours lors de remise de ma Légion d’Honneur).


Une autre objection entendue est la crainte que la reconnaissance de cet abandon gêne le gouvernement algérien car à cette occasion seront rappelées les conséquences de l’abandon (accueil indigne par la France des harkis rapatriés mais aussi emprisonnements, tortures et massacres de ceux abandonnés en Algérie sur place sans protection). Cependant, l’Algérie ne cesse de dire que le dossier Harki est un dossier franco-français. Certaines déclarations se moquent même de la façon indigne dont la France a traité ceux qui l’ont servie.


Vous pouvez, Monsieur le Président, être celui qui aura le courage de traduire en acte, par une loi, les paroles de ses prédécesseurs, passant de la compassion à la justice. Sinon il ne restera que la voie des tribunaux, qui ne concernera pas tout le monde et soulignera encore le refus des Gouvernements à reconnaître et réparer des fautes politiques.


Cette loi traduirait la capacité de notre Nation à regarder toute son histoire, ses pages glorieuses comme ses pages sombres. Cette loi de reconnaissance est indispensable pour la résilience des individus et la réconciliation du pays avec lui-même c’est-à-dire avec toutes ses composantes.


Rendre justice à ceux qui ont choisi de devenir ou de rester français « par le sang versé » ne peut qu’être bien accueilli par la majorité de Français, dont beaucoup ont parfois le sentiment qu’on traite mieux ceux qui brûlent notre drapeau tricolore que ceux qui se sont sacrifiés pour lui.


2- Egalité des chances, méritocratie républicaine


Vous en parlez beaucoup Monsieur le Président et je ne doute pas de votre sincérité à vouloir améliorer la situation. Il faut porter à votre crédit l’effort remarquable fait pour introduire de la diversité au sein de l’Assemblée nationale. Nous n’ignorons pas non plus que vous avez missionné plusieurs personnes sur ces sujets.


Ayant eu l’honneur de travailler dans le sillage de Pierre Bourdieu (3 ans au laboratoire de Luc Boltanski) je sais combien ce mal français étouffe tant d’intelligences et tue dans l’oeuf tant de potentiels qui ne peuvent donner toute leur mesure au service de notre pays. (Annexe 6, Débat sur la diversité au Sénat organisé par Abdelkader Haroune).


La suppression de l’ENA est une mesure courageuse et importante symboliquement. Elle ne suffira pas, et vous le savez sans aucun doute, à régler ce problème complexe. La réalité perçue est que votre volonté de briser des plafonds de verre, de vivifier notre République par la force de la méritocratie, d’éviter des séparatismes par le sentiment de mise à l’écart malgré les compétences acquises, se heurte à un constat : vos prédécesseurs ont fait davantage pour promouvoir la diversité, au moins en terme de visibilité, sauf à l’Assemblée nationale où vous avez fait mieux.


Parmi tous les postes qui peuvent être pourvus de façon discrétionnaire combien l’ont été par des enfants d’anciens Harkis qui en avaient les compétences ? Il existe parmi les citoyens de toutes origines des parcours remarquables que la République ne veut pas voir.


Cela est vrai pour les postes prestigieux et visibles, importants pour la fierté de tous et pour servir de locomotives. Cela reste hélas vrai à tous les niveaux. Trop d’enfants d’anciens Harkis disent ressentir encore de la discrimination au faciès ou en raison de leur patronyme. Et c’est pour eux d’autant plus insupportable que leurs pères sont morts (ou ont risqué leur vie) pour la France.


3- Rapport Stora


J’ai dit ce que j’en pensais dans la presse. (Annexes 7 et 8 : articles dans La Croix) et AJIR a fait un communiqué explicite (Annexe 9) exprimant sa déception. J’en parlerai donc peu.


(…) Pour moi, à la lecture de la lettre de mission, votre intention était louable. Il faut en effet assumer les vérités historiques même lorsqu’elles ne sont pas glorieuses. Comme l’assassinat d’Audin ou de Boumendjel ou des Pieds Noirs le 5 juillet à Oran ou les Harkis abandonnés et massacrés après l’indépendance de l’Algérie. Mais il faut que cela se fasse de part et d’autre. Or on voit bien que les gouvernants algériens ne sont pas prêts à un regard lucide et critique sur leur histoire, utilisée pour masquer la faillite du régime et détourner la déception du peuple vers la France colonisatrice comme source de tous ses maux. (…)


Apaiser les relations entre ces 2 pays est nécessaire car il y a des enjeux géostratégiques évidents : souhait de voir l’armée algérienne intervenir pour la stabilité au Sud de l’Algérie (Tchad, Mauritanie, Mali, pays fournisseurs d’uranium), coopération contre le terrorisme « djihadiste» et l’immigration clandestine, échanges économiques, etc.


Mais on a le sentiment que pour l’instant les gestes de bonne volonté sont à sens unique. Et plus la France en fera sans exiger de contrepartie et plus l’Algérie s’estimera en position de force pour en exiger davantage. Le Président algérien, soutenu (et tenu) par l’armée mais rejeté par son peuple et la diaspora algérienne hors du pays, donnera-t-il des assurances d’une réelle volonté d’aller vers la réconciliation des mémoires dans le respect mutuel et l’acceptation de vérités historiques ? Pour l’instant ce n’est pas visible. (On attend toujours le rapport Chiki).


4- Rapport Ceaux.


J’ai fait part de mon analyse de ce rapport dans un article paru dans Le Figarovox (Annexe 10). Sans revenir sur l’opacité des critères de choix pour la composition de la commission, on note que la majorité des personnes censées représenter la communauté harkie rejette ce rapport. Il est évident que ce rapport a déçu parce qu’il s’inscrit dans une logique d’entraide aux plus démunis et non dans une logique de justice et de réparation. Dans le cadre de la solidarité nationale, une aide sociale pour les situations critiques est sans doute hélas encore nécessaire. Mais cela ne répond pas au besoin de justice. (…)
Reconnaissance mais par une résolution et non une loi. Or non seulement les résolutions ne permettent pas d’amendements mais surtout ne sont pas créatrices de droit.


Comme vous le savez, Monsieur le Président, contrairement aux lois, les résolutions parlementaires sont purement symboliques. Elles n’engagent pas le Gouvernement (elles ne peuvent contenir d’injonctions à son égard) et n’ont pas de valeur juridique pour les tribunaux. Les résolutions parlementaires sont comme les vœux votés en fin de conseil municipal : un outil de communication, sans contrainte, souvent pour se donner bonne conscience à peu de frais.


Conclusion.


D’après certains membres de votre entourage, il semblerait que rien ne soit prévu pour les Harkis en 2021 sauf un « discours le 25 septembre et le 19 mars 2022 » (sic). Si tel est le cas, autant dire que cela sera une très grande déception. Mais nous gardons l’espoir de vous convaincre… d’agir pour les Harkis de manière forte et visible avant 2022.

Les 4 personnes reçues le 10 mai à l’Elysée durant presque 2 heures
De gauche à droite : Dalila Kerchouche, Mohand Hamoumou, Claire Houd, Serge Carel

Présentation de Mohand Hamoumou

Mohand HAMOUMOU

Officier de la Légion d’Honneur, fondateur de AJIR pour les Harkis

(Association Justice Information Réparation pour les Harkis)
www.ajir-harkis.fr

Formation :
Ecole Normale d’Instituteurs ; DESS de Psychologie clinique, Diplôme de l’ESSEC, Paris ; Doctorat de sociologie (EHESS Paris),


Parcours professionnel

Instituteur ; DRH dans 2 groupes internationaux en France et au Canada ; enseignant à l’université puis en grandes écoles de gestion.


Service public :

Maire de Volvic : Marianne d’Or du développement durable en 2018
Président de communauté de communes ; Vice-Président (urbanisme) de communauté d’agglomération (31 communes, 68 000 habitants)
A été membre du Conseil scientifique de:

Haut Conseil à l’Intégration, Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration
Mémorial de Rivesaltes, Institut d’audit social.


Publications (notamment)
Et ils sont devenus harkis, Fayard, 1993, 364 pages, préface de Dominique Schnapper
Les Harkis, une mémoire enfouie, avec Jean-Jacques Jordi, Autrement, 1998
Ouvrages collectifs sur l’intégration ou sur la guerre d’Algérie, sous la direction de Gilles Féréol (1992); Benjamin Stora(2004), Catherine Rioux(2005), C. Andrieu, T. Piketty (Dictionnaire De Gaulle, 2006).
Les Harkis, des mémoires à l’histoire, actes du colloque de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, (2014)
Articles de revues : Les Annales, Esprit, Milieux, Nouvel Obs, Géo, AWR,…
Articles dans la presse : Le Monde (4), La Croix (3), Le Figaro(2), Libération, l’Express,…
Business Digest : Table ronde avec Louis Schweitzer sur la prévention des discriminations


Engagement associatif :
1998 : Fondateur de l’association AJIR pour les Harkis (Association Justice, Information, Réparation) devenue nationale en 2002. Président de 1999 à 2003 puis à partir de 2020. Cette association est aujourd’hui celle qui fédère le plus d’associations œuvrant pour les Harkis. Elle est présente dans 35 départements. 
Participation à des émissions radios ou télévisées (Guerre d’Algérie, Harkis, Intégration, Minorités, )
Radios :
– France Culture, « Culture Matin », 14 juillet 1993, 60 mn – animé par Jean LEBRUN.
– Radio France International, « la grande affiche », juin 1993, 60 mn.
– France Culture, « les jours du siècle », 1er juillet 1997, animé par Patrice GELINET, 90mm
– France Culture, « Bouge dans ta tête » animée par Benjamin Stora. 60mn ,9 juillet 2005
– France Culture, « travaux publics », 1er Mars 2006, 60 mn – animé par Jean LEBRUN.
– France Culture, « Le téléphone sonne » animée par Alain Bédouet. 13 mars 2006
– France bleue, « La diversité en politique », 20 janvier 2009
– France Culture, « Du grain à moudre », 18 février 2013
– Europe1, débat à l’occasion de l’hommage national aux forces supplétives, 25 septembre 2018
Télévision :
– Chaîne Histoire 1997.
– FR3 (émission – 30mm), 1998
– France 2,(journal de 20h), 17 juin 2000.
– FR3 : Ce qui fait débat, Michel Field, 17 janvier 2001).
– France 5, C’est dans l’air, Yves Calvi, 5 décembre 2002
– Canal +, Merci pour l’info, Emmanuel Chain, 7 novembre 2003
– Chaîne Parlementaire, débat avec Georges-Marc Benamou et des députés, décembre 2003
– Direct 8 : Le journal de Morandini, « Histoire et mémoire » oct 2006
– La Chaîne Parlementaire « La diversité en politique » animée par Frédéric Haziza, mai 2008
– France 3, Débat animée par Béatrice Schoenberg après le documentaire « La blessure », sept 2010


Quelques réactions au livre de Mohand Hamoumou « Et ils sont devenus harkis » Fayard.


Je voulais vous exprimer mon admiration, ayant juste terminé de lire votre livre admirable consacré aux harkis. Je suis les affaires d’Algérie depuis plus de vingt ans maintenant et je crois que votre livre apporte des éléments très importants qui permettent de mieux éclairer cette interminable tragédie. F. Ghiles – Financial Times


L’auteur ne pouvait que s’investir personnellement dans son sujet d’étude, mais, et c’est ce qui fait le prix de son travail, il a réussi à le traiter avec rigueur et pudeur. André Laurens – Le Monde


Mohand Hamoumou relevait un pari difficile en essayant de relater l’histoire véridique des Musulmans français qui payèrent de leur vie leur fidélité à notre pays. Sa réussite n’en est que plus éclatante. Fondé sur une enquête très approfondie, menée d’une manière irréprochable, son livre bouleverse bien des idées reçues et oblige à revoir toute une problématique couramment admise. Eric Roussel, LE FIGARO


Trente ans de silence. Le livre de Mohand Hamoumou va permettre de briser enfin le tabou. Benjamin Benjamin Stora, GLOBE


« Et ils sont devenus harkis » de Mohand Hamoumou, offre une approche passionnante des motivations des supplétifs. L’auteur, fils de harki « disparu » a réussi un équilibre rare de son implication personnelle et de son souci d’objectivité.
François Landon – L’évènement du jeudi


Trente ans après la guerre d’Algérie, le livre de Mohand Hamoumou dévoile pour la première fois, avec intelligence, rigueur et honnêteté, le destin occulté des »Français musulmans » (…) Ce livre où l’émotion affleure, contenue par la rigueur de l’analyse, est celui d’un remarquable passeur. Nicole Lapierre, Dir. de recherche au CNRS


A-t-on envie de lire un texte qui remue un passé peu glorieux, que depuis longtemps l’on s’est efforcé d’oublier ? Pourtant, il faut lire le livre de Mohand Hamoumou. Ouvrage passionnant, c’est d’abord le texte d’un chercheur. Passionné, il reste scientifique. Outre son intérêt propre, ce livre en dit beaucoup sur l’Algérie actuelle.
Revue ETUDES


Ce livre combine le sérieux d’une thèse et la passion du témoignage.(…) A lire parce que la vérité ne se divise pas.
Revue REFORME