Considérés comme des traîtres par leurs compatriotes, les harkis ont été victimes, après l’indépendance, de massacres effroyables. Même si les accords d’Évian devaient garantir leur sécurité. Guy Pervillé dresse ici l’exact bilan des responsabilités dans cette tragédie.
Le 21 février 1962, le Conseil des ministres se réunit à l’Élysée pour entendre les rapports de Louis Joxe, Robert Buron et Jean de Broglie sur l’accord préliminaire avec le FLN* auquel venait d’aboutir la conférence secrète des Rousses. Dans la discussion qui suivit, la secrétaire d’État aux Affaires sociales musulmanes, Nafissa Sid Cara, très émue, demanda quel serait le sort des Français musulmans qui avaient pris parti pour la France. Le général de Gaulle lui répondit : « Croyez-vous vraiment, Mademoiselle, que, sauf les exceptions dont nous avons le devoir de nous occuper aujourd’hui, dont nous devons nous préoccuper demain, la grande majorité des musulmans ne sont pas favorables à l’indépendance ? »
Le nombre des Algériens musulmans dans les unités militaires françaises ou dans les formations supplétives aujourd’hui confondus sous le nom de « harkis* » était encore largement supérieur à celui des combattants de l’ALN*.
La France les avait recrutés massivement, jusqu’en 1960, pour tenir l’Algérie et pour démontrer la faible représentativité du FLN. La fin imminente de la guerre imposait une réorganisation de l’armée française.
Dès le 23 février 1962, un communiqué du ministre des Armées, Pierre Messmer, annonça aux « Français musulmans en service » les décisions qui leur permettraient « d’exercer leur choix en toute connaissance de cause quand le moment en [serait] venu ». Les militaires engagés sous contrat, 27 000, pourraient continuer à servir dans les mêmes conditions ou demander leur libération avec des avantages matériels. Les appelés, environ 20 000, seraient maintenus dans leurs unités ou versés dans la future force locale de maintien de l’ordre placée sous la responsabilité de l’Exécutif provisoire.
Il était proposé aux 70 000 supplétifs musulmans — dont les 43 000 « harkis » formaient la catégorie la plus nombreuse —, selon leur statut, la démobilisation avec un pécule, l’engagement dans la force locale ou dans l’armée et, pour certains, un poste dans les nouveaux Centres d’aide administrative, remplaçant les Sections administratives spécialisées. Enfin, tous les personnels libérés pourraient demander à bénéficier d’un reclassement en métropole, qui devrait être au préalable étudié et préparé méthodiquement. Ces décisions furent précisées le 8 mars et mises en application par un décret le 20 mars, deux jours après la signature des accords d’Évian.
Cependant, certains ont affirmé qu’il existait des « clauses secrètes des accords d’Évian », livrant les musulmans pro-français au FLN. Cette allégation est formellement démentie, sans aucune équivoque, par trois passages de ces accords. Dans l’article 2 du cessez-le-feu, « les deux parties s’engagent à interdire tout recours aux actes de violence collective et individuelle ». Dans la déclaration générale, il est précisé que l’État algérien garantira les droits et libertés de tous ses citoyens ; en particulier, « nul ne pourra faire l’objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d’une discrimination quelconque en raison d’opinions émises à l’occasion des événements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d’autodétermination ou d’actes commis à l’occasion des mêmes événements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu. Aucun Algérien ne pourra être contraint de quitter le territoire algérien ni empêché d’en sortir ». Le « principe de non-représailles » avait été admis le 9 novembre 1961 à Bâle par le GPRA*, ce qui, selon son président Ben Khedda, avait débloqué la négociation [1].
Il est donc manifestement faux que les accords d’Évian aient abandonné les musulmans pro-français à la justice du FLN même si leur existence comme catégorie particulière n’est jamais mentionnée. Il est également faux de prétendre que ces accords n’engageaient que la France, alors qu’ils avaient été élaborés en commun et paraphés, feuillet par feuillet, par les deux parties. Enfin, leur validité n’était pas limitée à la date de l’indépendance, puisque la déclaration générale stipulait que, s’ils étaient ratifiés par le peuple algérien lors du référendum, leur contenu s’imposerait au futur État.
Il n’en est pas moins vrai que, en démobilisant et en désarmant les forces armées « indigènes » qu’elle avait organisées, la France supprimait le principal obstacle qui aurait pu empêcher la mainmise totale du FLN-ALN sur le nouvel État. L’application des garanties d’Évian dépendait donc de la bonne volonté du FLN et de la fermeté du gouvernement français.
Or le FLN interpréta ses engagements avec duplicité, car il entendait reprendre toute sa liberté d’action dès le jour de l’indépendance. Avant même le cessez-le-feu du 19 mars 1962, sa propagande adressée aux militaires et aux supplétifs musulmans combinait des promesses de pardon conditionnel pour ceux qui déserteraient ou aideraient secrètement l’ALN, et des menaces de mort pour les « traîtres » obstinés. Après le cessez-le-feu, les soldats et supplétifs licenciés furent invités à racheter leurs arriérés d’impôt révolutionnaire au FLN en versant leurs primes ou pécules. Sous ces conditions, ils s’entendirent promettre un généreux pardon.
Mais les directives des wilayas* et de l’état-major de l’ALN tombées entre les mains de l’armée française montraient que ce n’était qu’un expédient provisoire, destiné à endormir la méfiance des harkis et à les dissuader de quitter le pays jusqu’au jour où l’Algérie indépendante pourrait solder ses comptes. Position confirmée par le président de l’Exécutif provisoire, Abderrahmane Farès, qui refusa d’intervenir en leur faveur : « Ils sont algériens, ils appartiennent à la patrie musulmane. Celle-ci les accueillera ou les jugera. […] Cela fut bien spécifié dans les négociations d’Évian. Le général de Gaulle était d’accord sur ce point [2]. »
Il y eut très tôt des enlèvements et des meurtres de harkis, notamment en Oranie dans la wilaya V dont le chef avait voté contre la ratification de l’accord des Rousses, comme l’état-major général de l’ALN, ainsi le 19 mars à Saint-Denis du Sig et, en avril, à Saïda contre les gradés du « commando Georges ». Ces violations du cessez-le-feu furent d’abord assez peu nombreuses 487 enlèvements de Français musulmans signalés du 19 mars au 1er juin. Elles se firent plus fréquentes à partir de la mi-mai, lorsque la date du référendum d’autodétermination eut été fixée au 1er juillet.
A partir du 3 juillet, la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie par la France ouvrit la voie aux règlements de comptes. La responsabilité du maintien de l’ordre était censée revenir à l’Exécutif provisoire. Mais celui-ci, désarmé par la désertion totale de la force locale au profit des wilayas, était impuissant. Durant trois mois, l’Algérie s’enfonça dans l’anarchie. Les arrestations suivies de tortures et de meurtres, qui frappèrent alors de nombreux Algériens compromis avec la France, ont souvent été expliquées par des vengeances spontanées de la population ou par le zèle des « marsiens », volontaires de la vingt-cinquième heure ayant besoin de prouver leur vertu patriotique.
Ces explications sont insuffisantes : l’existence pendant plusieurs mois de camps de prisonniers oblige à mettre en cause la responsabilité des commandements des wilayas, de l’état-major de l’ALN et du gouvernement de la jeune République algérienne formé le 26 septembre 1962 par Ahmed Ben Bella. Tous les concurrents dans la course au pouvoir avaient besoin de prouver leur patriotisme en se montrant impitoyables envers les harkis ou en s’abstenant de les protéger.
Dans la wilaya III Kabylie, fief de Belkacem Krim, la chasse aux « traîtres » semble avoir commencé plus tard qu’ailleurs, dans un contexte de lutte exacerbée pour le pouvoir. Suivant le rapport adressé en mai 1963 au vice-président du Conseil d’État par M. Robert, ancien sous-préfet d’Akbou, dans cet arrondissement, à partir du 27 juillet, « 750 personnes environ furent arrêtées et groupées dans trois «centres d’interrogatoire», […] où l’on entendait loin à la ronde les hurlements des torturés ». Près de la moitié furent exécutées, les autres libérées avant le 15 septembre. Les détenus comprenaient deux tiers d’anciens supplétifs et un tiers de civils.
Des hommes enterrés vivants
Le rapport Robert cite « un conseiller général […] arrêté le 1er août après avoir assumé les fonctions de maire jusqu’à cette date à la demande de l’ALN » et « enterré vivant le 7 août, la tête dépassant et recouverte de miel », qui agonisa durant cinq heures, « e visage mangé par les abeilles et les mouches ». Le même rapport note que, « durant cette période, la population n’a participé aux supplices que de quelques dizaines de harkis, promenés habillés en femmes, nez, oreilles et lèvres coupés, émasculés, enterrés vivants dans la chaux ou même dans le ciment ou brûlés vifs à l’essence ». Cependant, « les supplices dans cette région n’atteignirent pas la cruauté de ceux d’un arrondissement voisin […] » ; on n’y signala pas « des massacres de femmes et d’enfants de harkis, fréquents dans des arrondissements voisins ».
Après un mois d’accalmie, la répression reprit le 15 octobre et jusqu’en décembre, « à froid et sur la seule initiative de l’ALN-ANP ». Il n’était plus question de centres d’interrogatoire : « L’ALN exécutait sommairement, seules les personnalités avaient encore l’honneur de supplices et de tortures. » Au total, le rapport Robert estime le nombre de victimes à plus de 750, voire 1 000, et juge que ce bilan serait inférieur à la moyenne des 71 autres arrondissements d’Algérie. Des témoignages aussi effroyables ont été rapportés de toutes les régions du pays. Comme le montre Mohand Hamoumou, ces raffinements de cruauté expriment une conception archaïque de la justice, que les Lumières ont fait oublier en Occident : « Le supplice est destiné à rendre infâme celui qui en est la victime et à attester le triomphe de celui qui l’impose [3]. »
Les responsables de la politique française avaient-ils prévu ce déferlement de férocité, et s’étaient-ils donné les moyens de l’empêcher ?
Selon le général Buis alors colonel, et chef du cabinet militaire du haut-commissaire Christian Fouchet [4], il était prévisible que « parmi tous ces harkis que nous levions à tour de bras, il en était que nous condamnions par avance ». Mais leur grande majorité manquait de motivation et de zèle. « C’est pourquoi on pouvait penser qu’en dehors de quelques-uns, véritablement engagés à nos côtés contre le FLN, les harkis, dans leur ensemble, ne courraient pas grand danger au moment de l’indépendance, puisqu’ils avaient toujours eu, plus ou moins, un pied dans la rébellion. » Le général de Gaulle paraît avoir partagé ce point de vue, qui se retrouve dans de nombreux documents d’archives militaires [5]. Le 3 avril 1962, lors d’une séance du Comité des Affaires algériennes, il qualifie les supplétifs de « magma qui n’a servi à rien, et dont il faut se débarrasser sans délai ».
A l’opposé, le général Ailleret alors commandant supérieur en Algérie affirme, dans ses Mémoires posthumes, que les harkis étaient « des forces supplétives extrêmement utiles dans des opérations où la découverte de l’adversaire constitue le problème principal », et qu’il était « certain » qu’ils auraient à « subir le contrecoup d’une haine féroce » en cas d’accession de l’Algérie à l’indépendance. Pour échapper au massacre, ils n’avaient que deux solutions : « Se replier sur la France avec leurs familles » ou bien, s’ils ne s’étaient pas trop compromis, « passer en temps utile au Front ». L’ancien ministre des Armées Pierre Messmer a de même reconnu que, pour « les soustraire aux vengeances qui les menaçaient, le seul moyen vraiment efficace était de les transporter en France avec leurs familles ». Mais « le gouvernement voulait croire que le FLN appliquerait loyalement les accords d’Évian, quelle illusion ! », conclut-il [6].
Contre le rapatriement
Dès le 22 février 1962, à la suite de l’accord préliminaire conclu aux Rousses, de nombreuses décisions furent prises du côté français pour réaliser simultanément le désarmement et le licenciement des forces supplétives, et le regroupement des harkis menacés avec leurs familles. Toutefois, les instructions officielles insistaient sur les difficultés d’une installation en France, « qui ne [devait] être envisagée que si le maintien en Algérie se [révélait] impossible ». A la suite des déclarations apaisantes des autorités françaises et du FLN, très peu demandèrent immédiatement leur regroupement : 1 334 chefs de famille représentant 7 006 personnes au 1er mai 1962, dont un tiers se ravisèrent avant le 10 mai, selon Pierre Messmer. Le 30 mai, le secrétaire d’État aux Rapatriés Robert Boulin prévoyait donc le transfert prochain d’environ 5 000 personnes ce que de Gaulle trouva « un peu juste ».
Cependant, d’anciens officiers des SAS Sections administratives spécialisées, chargées d’encadrer la population musulmane, alarmés par les premiers assassinats et prévoyant leur multiplication après l’indépendance, avaient pris l’initiative d’évacuer des familles en danger, en dehors de la voie hiérarchique. Le 12 mai, le colonel Buis demanda à l’inspecteur général des SAS d’ordonner à ses officiers de « s’abstenir de toute initiative isolée destinée à provoquer l’installation des Français musulmans en métropole ». Le 16 mai, le ministre des Affaires algériennes Louis Joxe ordonna au haut-commissaire Fouchet de « faire rechercher » dans l’armée et dans l’Administration « les promoteurs et les complices » de ces « rapatriements prématurés », et annonça que « les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan de rapatriement » seraient, en principe, renvoyés en Algérie « pour y rejoindre le personnel déjà regroupé ».
Le général de Gaulle confirma cette décision le 23 mai et Louis Joxe l’expliqua au Conseil des ministres le lendemain : « Les harkis veulent partir en masse. Il faut combattre une infiltration qui, sous prétexte de bienfaisance, aurait pour effet de nous faire accueillir des éléments indésirables. » Le ministre précisa sa pensée le 28 juin à l’Assemblée nationale : « Les officiers qui veulent ramener leurs hommes font preuve d’un condamnable instinct de propriétaire, exercé sur des personnes dont ils violent la liberté de choix afin de constituer en France des groupements subversifs. »
A partir du 3 juillet, le maintien de l’ordre incombait normalement à l’Exécutif provisoire. En conséquence, le 23 juin, le gouvernement avait décidé de limiter le droit d’intervention des forces françaises aux cas de légitime défense des troupes ou d’attaque caractérisée contre des Français. Deux jours plus tôt, il avait été décidé que les « Français musulmans » perdraient la nationalité française s’ils ne la revendiquaient pas explicitement contrairement à la promesse faite par Louis Joxe le 24 février. Une ordonnance du 21 juillet précisa en outre qu’ils devraient le faire en territoire français.
Le 6 juillet 1962 arriva en Algérie l’ambassadeur Jean-Marcel Jeanneney, chargé d’assurer la sécurité des ressortissants français tout en évitant de reprendre les hostilités ; il donna aux forces armées la consigne de « recueillir et [d’]embarquer ». Des milliers de musulmans furent alors regroupés dans les camps militaires, puis transférés vers d’autres camps en métropole. Cependant, le commandement supérieur transmit à plusieurs reprises des instructions restrictives. Le 24 août, le général de Brébisson interdit les opérations de recherche dans les douars circonscriptions rurales et informa ses cadres qu’après un dernier transfert de 4 000 « Algériens » sic « le gouvernement français ne ser [ait] plus en mesure d’absorber en France d’autres réfugiés ».
Néanmoins, conscients de la situation des harkis, l’ambassadeur Jeanneney et le ministre Joxe multiplièrent les protestations auprès des autorités algériennes, d’août à novembre 1962, sans résultat [7]. Un rapport du 16 novembre constatait : « L’engagement de non-représailles a été ouvertement violé. » Sur le terrain, les rapports sur le moral des troupes signalaient « inquiétude et sentiment de culpabilité s’agissant du sort des harkis livrés sans défense à la vengeance d’Algériens fanatiques. Beaucoup ne comprennent pas les mesures de prudence qui leur interdisent pratiquement d’aller leur porter secours, et estiment que la présence de l’armée est inutile ». Toutefois, à partir de janvier 1963, le nombre d’exactions diminua. Le 3 juin 1963, Ahmed Ben Bella déclara : « Nous avons pardonné aux anciens harkis, leurs assassins seront arrêtés et exécutés. » Mais des milliers d’entre eux devaient encore rester détenus pendant des années.
Les tristes résultats de cette politique imprévoyante, dénoncés dès le mois de mai 1962 par la presse favorable à l’Algérie française, finirent par toucher d’autres secteurs de l’opinion. Ainsi, Pierre Vidal-Naquet et Jean Lacouture firent paraître des articles sur le sujet dans Le Monde des 12 et 13 novembre 1962. L’ancien Premier ministre Michel Debré fit savoir « dans le secret de l’État » qu’il aurait souhaité « une volonté plus efficace de transférer en métropole les soldats musulmans ayant servi sous notre drapeau ». Des divergences s’exprimèrent au gouvernement entre l’optimisme de Louis Joxe et le pessimisme de Pierre Messmer. Ce dernier se reproche aujourd’hui de n’avoir pas tenté d’obtenir une protestation solennelle du président de la République, qui était le seul maître de la politique française envers l’Algérie.
Le silence du Général
Le Général a en effet gardé un silence presque total sur cette question. D’après les témoignages et les documents, quatre raisons peuvent expliquer son attitude. D’abord, la volonté de parier sur le succès des accords d’Évian. Ensuite, la crainte de prolonger la guerre civile en laissant transférer en France des recrues potentielles de l’OAS*, et le refus de lui donner raison en reprenant les hostilités contre l’Algérie. Mais la raison la plus profonde est que de Gaulle ne considérait pas les harkis comme de vrais Français. Il l’a clairement exprimé lors du Conseil des ministres du 25 juillet 1962 : « On ne peut pas accepter de replier tous les musulmans qui viendraient à déclarer qu’ils ne s’entendront pas avec leur gouvernement ! Le terme de rapatrié ne s’applique évidemment pas aux musulmans : ils ne retournent pas dans la terre de leurs pères ! Dans leur cas, il ne saurait s’agir que de réfugiés ! Mais on ne peut les recevoir en France comme tels, que s’ils couraient des dangers. »
Déclaration terrible, dont il ne faut pas exagérer la signification : si le Général croyait depuis longtemps que les « auxiliaires indigènes » restaient avant tout des hommes de leur pays [8], on ne peut en déduire qu’il avait voulu les y faire exterminer. Il avait misé sur les accords d’Évian afin d’éviter, précisément, qu’un ou deux millions de réfugiés politiques ou économiques musulmans viennent s’ajouter au million de rapatriés. Ce qu’il avoua le 3 janvier 1963 : « Nous ne devons pas nous laisser envahir par la main-d’oeuvre algérienne, qu’elle se fasse ou non passer pour des harkis ! Si nous n’y prenions pas garde, tous les Algériens viendraient s’installer en France ! »
Si les responsabilités majeures de cette tragédie incombent à l’Algérie, la France doit assumer celle ne n’avoir su ni la prévoir ni l’empêcher. Le sang répandu a transformé un compromis honorable en une honteuse compromission, et vicié fondamentalement la coopération franco-algérienne que de Gaulle voulait « exemplaire ». Quant à l’Algérie, elle continue de souffrir de ne pas avoir délégitimé la violence et la cruauté en 1962. Mais, contrairement au jugement expéditif de Pierre Messmer « Je ne suis jamais retourné en Algérie et je n’y retournerai jamais. Ce pays sanguinaire me fait horreur », elle peut devenir un pays libre et heureux à condition de tirer les leçons de son passé tragique.