Discours d’Olivier Damaisin, Député Lot et Garonne, LREM, 18 mars 2017
Mesdames, Messieurs qui représentez ici les associations de Harkis et de leurs familles…. Je dois tout d’abord excuser M. Emmanuel Macron… Un agenda particulièrement chargé en ce 18 mars l’empêche d’être parmi nous. Il vous transmet toute son amitié et souhaite une pleine réussite à ce colloque national.
Le discours du Président de la République en date du 25 septembre 2016 à l’occasion de la journée nationale d’hommage aux membres des troupes supplétives de l’armée française en Algérie a marqué les esprits et les consciences. De manière claire, la responsabilité des gouvernements français dans l’abandon des Harkis, dans les massacres de ceux restés en Algérie, et dans les conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France a été relevée et affirmée à cette occasion.
C’est une étape importante… elle était nécessaire dans ce long combat que vous menez depuis tant d’années pour l’affirmation et la reconnaissance de vos droits. Une autre étape importante se dessine devant nous.
L’équivalent d’une vie d’homme s’est écoulé depuis la fin de la guerre d’Algérie. La génération d’Emmanuel Macron ne l’a pas connue. Sommes-nous aujourd’hui condamnés à vivre à jamais dans l’ombre de ce traumatisme pour nos deux pays ? Il est temps de clôturer ce deuil. Il faut pour cela avoir le courage de dire les choses et de ne céder à aucune simplification.
C’est ce discours de vérité et de complexité qui a toujours été tenu par Emmanuel Macron : rappeler que des actes inhumains, de la barbarie, de la torture, ont été commis. Rappeler que cette guerre a brulé irrémédiablement l’âme de milliers de jeunes soldats français.
À tous nos anciens combattants, il leur dit ici : « Vous êtes nos enfants. Les enfants de la France. Les enfants d’un État qui doit assumer ses responsabilités. » Les propos n’étaient pas destinés contre vous. En rien. C’était simplement reconnaître une responsabilité de l’État français.
Et nous ne devons pas nous dérober. Mais aussi dire que la colonisation a introduit une modernité par effraction. Nous devons dire que des dizaines de milliers d’instituteurs, de médecins, de fermiers ont beaucoup donné à l’Algérie ; nous devons dire que les pieds-noirs ont été les victimes de la politique algérienne de la France, avant comme après la guerre. En réalité, une colonisation à sens unique qui ne leur a pas laissé d’autre issue que de quitter brutalement et à jamais les terres où ils étaient nés. C’était une injustice, et c’est encore une souffrance.
Mais il faut également dire, dans le sillage du président de la République, que les harkis ont été les victimes de la trahison de l’État français : que nous les avons abandonnés, alors qu’ils s’étaient battus dans nos rangs. C’était une trahison.
Mais il est temps de laisser le passé … passer. Sans repentance. Mais sans refoulé aussi, sans chercher à instrumentaliser notre Histoire, ni les propos qui ont été tenus par Emmanuel Macron à des fins clientélistes ou électoralistes.
La France et l’Algérie doivent cesser de se renvoyer leur passé à la figure, directement ou implicitement. L’Algérie occupe dans notre Histoire et dans notre présent une place bien plus large, bien plus profonde, bien plus importante encore que celle de la guerre d’Algérie.
Nous pouvons construire une relation nouvelle une relation qui n’enlève rien à la mémoire de chacun ; une relation qui reconnaît la mémoire et les blessures de chacun ; une relation qui reconnaît les douleurs de tous, Mais qui, en les réconciliant les dépasse pour regarder vers l’avant.
Nous avons rappelé à plusieurs reprises qu’un pays ne trouve sa grandeur que dès lors qu’il sait se regarder avec la lucidité nécessaire tant dans ses grandeurs que dans ses souffrances, sans taire les fautes. C’est cela le défi de cette génération : construire un futur apaisé, pour notre pays, la France, et pour notre relation avec l’Algérie.
Nous devons également regarder la nécessité de nous accepter ensemble dans notre communauté nationale, avec notre histoire, nos traditions, nos différences et non revenir à un obscurantisme des idées, un déni des différences. Nos différences sont une richesse commune. La belle diversité de notre pays.
C’est aussi pour notre pays que nous estimons nécessaire de réconcilier les mémoires et je suis venu ici pour porter ce message de paix et de fraternité.
Nous affirmons que l’égalité sera une des clefs de voûte de notre projet pour construire une société solidaire et fraternelle, seule garante d’un vrai vivre ensemble, un vivre ensemble qui se doit de regarder la vérité historique avec courage et lucidité.
En termes de méthode, nous devons nous retrouver entre personnes responsables et laisser la démagogie derrière la porte de l’intolérance. Avant le 1er tour, nous vous proposons la tenue d’une réunion avec les représentants du comité national, au QG du mouvement En Marche.
Nous vous entendons dans la nécessité d’aller plus loin…
Le terrain réglementaire peut être une bonne et une rapide réponse ainsi que la suite logique à la reconnaissance de la responsabilité et à la recherche d’une réparation.
Nous entendons passer avec vous un contrat de devoirs.
D’abord un devoir de reconnaissance :
Emmanuel Macron confirmera la reconnaissance de l’abandon par La France des harkis (reconnaissance effectuée par le Président François Hollande le 25 septembre 2016) ; Mais cette reconnaissance sera prolongée par :
- l’inscription de cette page sombre dans les manuels scolaires ;
- le soutien apporté par l’Etat à la recherche historique sur l’histoire des harkis
- la poursuite de la matérialisation de la mémoire des harkis en France (apposition de plaques sur les lieux de mémoire des harkis)
- l’attribution de décorations (légion d’honneur et ordre national du mérite) pour les Harkis et pour les responsables d’associations sera amplifiée.
- Les enfants de harkis qui ont particulièrement réussi dans la société française seront mis en lumière
Ensuite un devoir d’écoute :
Emmanuel Macron recevra les responsables d’associations représentatives des harkis au cours des 6 premiers mois de son mandat. Il donnera des directives au Secrétaire d’Etat au Monde Combattant et à la Mémoire afin qu’il assure une mission d’écoute maximum ; comme indiqué précédemment une réunion au QG d’En Marche pourra être envisagée d’ici le premier tour avec un représentant d’En Marche ; elle fixera un cap et une méthode.
Enfin cela se traduira par un devoir de soutien :
Emmanuel Macron commandera une étude sur les indemnisations accordées aux harkis depuis 1962. Les résultats de cette étude seront connus dans les 6 premiers mois du quinquennat. L’étude sera réalisée en dialogue avec les associations et fera apparaître les comparaisons avec les autres victimes reconnues par l’Etat (victimes combattantes, victimes du terrorisme, victimes de la Shoah).
En fonction des résultats de cette étude, des textes réglementaires permettront de régler les derniers contentieux rapidement et efficacement dans cette logique de réparation souhaitable.
Enfin une écoute particulière sera apportée aux descendants de harkis afin de les épauler dans leur recherche d’emploi et de formation.
Par la concertation et par les textes réglementaires, nous forgerons nos obligations réciproques pour construire une communauté de destin. Elle sera le ciment d’un avenir commun que nous entendons construire non dans la défiance, mais dans la confiance.
Je vous remercie.