Antoine Garapon fait part de son expérience en tant que président de la Commission Re-connaissance et Réparation, créée par les supérieurs des instituts religieux de France, qui a pour mission de mettre en œuvre des dispositifs de réparation à destination des victimes d’abus sexuels par des religieux, et livre la méthode de travail mise en place par cette instance. Il décrit un processus en 4 étapes, parmi lesquelles la réparation qui ne peut se faire sans un travail d’évaluation préalable des préjudices.


Il explique qu’en droit, l’indemnisation des préjudices et leur évaluation se fait poste par poste : par exemple dans un accident de voiture, préjudices de la douleur, frais d’hospitalisation, prise en charge des frais médicaux par la sécurité sociale, déficit fonctionnel (difficulté à la marche), réparation de la voiture…


Cette méthode s’avère impossible à mettre en œuvre ici en raison de difficultés à évaluer des préjudices anciens et immatériels. C’est pourquoi, la Commission s’est alors tournée vers la jurisprudence des tribunaux français qui distinguent principalement deux types de préjudices : les atteintes à la dignité de la personne humaine et les souffrances morales. 


Sur cette base, la Commission a mis en place une grille d’évaluation en distinguant 5 types de préjudices fondamentaux : traumatismes durables handicapant la vie quotidienne, préjudices affectifs (construction d’une famille par exemple), relations familiales (explosion des relations avec leur entourage), préjudices professionnels et préjudice spirituel (perte de la foi).


A partir de cet instrument d’évaluation, il a été demandé aux victimes de noter chaque préjudice avec un coefficient de 1 à 7, avec un plafond d’indemnisation de 60 000 €, l’objectif étant de recommander l’attribution de sommes de façon égalitaire grâce à la grille. 


La commission contribue aussi à réparer par des gestes symboliques comme l’organisation de rencontres mémorielles entre les victimes et des représentants de l’Eglise (on ne parle pas de pardon). L’écoute empathique des victimes par la commission dans un cadre solennel et respectueux participe également à une forme de réparation en permet-tant aux victimes de se libérer, dans un cadre rassurant, de traumatismes longtemps refoulés.


L’intervention d’Antoine Garapon, d’une grande justesse, a interpellé l’assistance par com-paraison avec la commission de réparation des préjudices subis par les Harkis qui elle, hé-las, ne se préoccupe pas d’évaluation des préjudices et n’a pas mis en place la possibilité d’écoute des victimes. Idéalement, ceci aurait dû être fait en amont de la loi.

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Antoine Garapon, Docteur en droit, magistrat, enseignant à Sciences Po Paris et à l’Ecole nationale de la magistrature, animateur d’émissions radiophoniques sur France Culture. Membre de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels de l’Eglise) ; président de la commission « Reconnaissance et réparation » créée à l’automne 2021 par les congrégations religieuses après la publication du « rapport Sauvé » pour les victimes de religieux et de religieuses.

Il est l’auteur de 23 ouvrages dont :
•    Peut-on réparer l’histoire ? Colonisation, esclavage, Shoah, Paris, 2008, Odile Jacob
•    Des crimes qu’on ne peut ni punir ni pardonner : pour une justice internationale, 2002,