Pour lui la guerre d’Algérie est « un passé qui ne passe pas » et singulièrement pour les Harkis qui constituent un enjeu mémoriel majeur. 


Cet enjeu mémoriel est d’abord le fait des associations de ou pour les Harkis qui s’en sont emparé notamment avec les révoltes de 1975. Puis celui de l’Etat avec la reconnaissance par Jacques Chirac et ses successeurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, jusqu’à la « demande  de pardon » d’Emmanuel Macron en 2020.


Mais un troisième élément est absent : la prise en compte par la société pour qui l’histoire des Harkis est une grande inconnue qui nécessite que cette mémoire /histoire intègre « la mémoire collective » qui est avant tout une représentation sélective du passé qui participe à la construction identitaire de la société ou d’un segment de la société.


L’histoire des harkis est entrée dans la mémoire collective française, comme par effraction via les actions des associations. Parce que pour les Harkis cette entrée dans la mémoire collective était entravée par des raisons politiques. Une partie de l’électorat de droite a vu dans leur arrivée d’abord une « invasion d’Arabes » et à gauche derrière les Harkis il y avait d’abord leur engagement avec l’armée française contraire à son soutien au FLN, al-lant jusqu’à un amalgame avec la figure de collaborateur. 


Ces représentations des Harkis constituent des obstacles à la prise en compte du vécu pour lequel les associations ont un rôle essentiel à jouer et l’Etat y contribue notamment avec le rapport Ceaux, la demande de pardon qui est un élément nouveau et essentiel et la Commission Bockel.


Le système démocratique, contrairement au régime autoritaire, permet la demande de pardon qui a un caractère unique et peut conduire à obtenir une réparation qui ne sera pas seulement financière mais aussi historique et morale.


Les mémoriaux et les fondations, à l’exemple du mémorial de la Shoa, sont les outils indispensables pour obtenir ces réparations historiques et morales. La fondation qui sera l’affirmation de la singularité des Harkis mais dans une optique universaliste pour ouvrir de nouvelles perspectives en pratiquant une politique d’accompagnement et en procédant à un large recueil de témoignages pour se constituer un patrimoine mémoriel et construire ainsi un récit pour soigner les traumatismes du passé.

*****

Denis Peschanski, Doctorat d’Etat en histoire,  directeur de recherche au CNRS. Associé à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, il a présidé le conseil scientifique du Mémorial du camp de Rivesaltes de 2001 à 2022. Depuis 2006, il préside le conseil scientifique du Mémorial de Caen. Il est l’auteur ou co-auteur de nombreux ouvrages dont :

  • Entretiens avec Boris Cyrulnik : Mémoire et traumatisme. L’individu et la fabrique des grands récits,Paris, INA éditions, 2012, 80 p
  • Avec Francis Eustache et Ali, Mémoire et oubli, Paris, Le Pommier, 2014, 160 p