Dans une tribune, parue dans le JDD du 26 juin 2021, la sénatrice Nathalie Goulet s’insurge contre le sort fait aux « Harkis » Afghans par la France qui les abandonne à la merci des talibans…
C’est certainement un nouveau balbutiement de l’histoire, comme si l’expérience algérienne n’avait servi à rien! Les auxiliaires de l’armée française en Afghanistan sont à leur tour confrontés aux dures réalités de la « real politic ». Après s’être servie d’eux la France, comme les Etats-Unis d’ailleurs, va les abandonner à leur triste sort comme elle l’a déjà fait en Algérie en 1962.
Nous reproduisons ci-dessous la tribune de la sénatrice Goulet qui appelle à l’accueil de ces supplétifs de l’armée en France!
« Un Afghanest mort assassiné. Quelle importance, me direz-vous, pour nous qui sommes loin de ce pays et de son agonie? Cet Afghan, père de cinq enfants, s’appelait Abdul Basir et, comme beaucoup d’autres, il avait été auxiliaire de l’armée française. C’est une mort par indifférence dont nous sommes collectivement les complices. Notre armée a eu recours, en Afghanistan, à des interprètes, ouvriers polyvalents, physionomistes, sans lesquels elle aurait été sourde et muette. Après la fin des opérations, certains ont été « relocalisés » en France, les autres sont restés, comme les harkis jadis, abandonnés et considérés comme des traîtres par leurs concitoyens, ciblés, menacés ou tués.
Abdul Basir, interprète, faisait partie de ces oubliés de la France. Je veux lui rendre hommage et dire ma colère teintée d’un sentiment d’échec. Si avec le journaliste Quentin Muller, qui a mené une croisade jusqu’à l’épuisement, Brice Andlauer, Frédéric Pineau et d’autres, avec l’Association des interprètes afghans, nous n’avons cessé d’alerter l’opinion publique, nous n’avons pas pu protéger Abdul et ses collègues de nos ennemis communs, de leurs bourreaux.
Nous avons lancé des pétitions, sensibilisé les élus, comme le maire de Colombelles (Calvados) qui a accueilli Mirzai et sa famille, arrivé, après sept ans de procédure, démuni mais vivant, dans la totale indifférence du ministère des Armées.
Nous avons interpellé des ministres. Le 3 décembre 2020 au Sénat, Marlène Schiappa affirmait qu’une relocalisation était en place pour ceux qui faisaient l’objet de menaces graves, ajoutant que ‘l’ensemble de ce dispositif a permis à la France d’exprimer sa reconnaissance, mais aussi de respecter ses engagements humanitaires à l’égard de ces personnels’. La mort d’Abdul Basir atteste du contraire.
Il est temps qu’ils soient accueillis en France, et pris en charge dignement dès l’aéroport, non pas par des bénévoles généreux et exemplaires, mais par notre administration, enfin disponible, pour faciliter leurs démarches vers une vie nouvelle. La France doit être, enfin, à la hauteur des services qu’Abdul Basir lui a rendus au péril de sa vie, et de la promesse démocratique en laquelle il a cru. »