Julien Aubert et 32 autres députés LR ont publié dans le JDD du 4 juillet une tribune exhortant le Président de la République à mettre en place, pour le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, une « allocation spéciale » pour les anciens Harkis !
Ajir et une quarantaine d’autres présidents d’associations et de personnalités ont décidé de réagir par l’envoi de la réponse ci-dessous à Monsieur Aubert et ses collègues signataires de la tribune.
Monsieur le député,
Nous avons lu avec intérêt, surprise et déception votre tribune dans le JDD du 4 juillet.
Avec intérêt car nous sommes heureux de constater que notre revendication ancienne fait son chemin. Nous sommes heureux que des élus de la Nation demandent comme nous le faisons depuis longtemps que notre République reconnaisse officiellement sa dette vis-à-vis des Harkis et s’engage dans un processus de réparation digne de ce nom.
Des députés de votre parti avaient déposé 2 propositions de loi durant le mandat de Monsieur Hollande lorsque vous étiez dans l’opposition et on vous remercie de cet intérêt pour notre communauté de destin. On regrette cependant que vous ne l’ayez pas fait entre 2007 et 2012 lorsque vous aviez la majorité…
Surprise quant à la forme. Entre mars et mai de cette année, AJIR pour les Harkis a envoyé aux parlementaires de tous les partis d’une cinquantaine de départements un courrier et un texte de proposition de loi. Vous savez aussi que le Président de la République a reçu le 10 mai le Président d’AJIR, Serge Carel, Claire Houd et Dalila Kerchouche. AJIR avait transmis un dossier demandant une loi de reconnaissance de l’abandon des Harkis et la réparation de ses conséquences. Or vous ne citez pas cette démarche, ni celles plus anciennes d’AJIR ou d’autres associations pour l’obtention d’une loi, laissant croire que vous seriez à l’origine d’une prochaine décision du Président. C’est pour le moins une maladresse car cela peut paraître une tentative malvenue de récupération.
Si le Président agit à l’égard des Harkis ce ne sera pas suite à votre « exhortation » mais grâce au travail de fond d’AJIR et d’autres associations et grâce surtout à sa volonté de rendre justice à d’anciens combattants français et à leurs familles.
Reconnaître l’assassinat de Maurice Audin ou d’Ali Boumendjel par des militaires français, et donc la responsabilité du parti gaulliste – car l’armée est aux ordres du politique – tout comme un comportement regrettable de la France sous Mitterrand dans le génocide au Rwanda, est une démarche courageuse. C’est dans cet esprit que le Président a demandé un rapport à l’historien Benjamin Stora dont on déplore comme vous une indignation sélective.
C’est avec une volonté d’assumer des faits historiques que le Président de la République a écouté attentivement et avec compréhension notre plaidoyer pour une loi de reconnaissance de l’abandon des harkis.
Déception sur le fond. Votre texte dans le JDD est incohérent. Vous parlez de réparation, disant fort justement que l’allocation de reconnaissance de 2005, est un acte de solidarité et non de réparation. Mais vous proposez une allocation spéciale à l’occasion du 60ème (triste) anniversaire des accords d’Evian ! Bref vous persistez dans la logique de solidarité.
Les Harkis ne demandent pas la charité, ni un cadeau d’anniversaire ! Ils veulent la vérité et la justice. Tout doit commencer par la vérité et donc par le courage de reconnaitre par une loi, et pas seulement par des discours avant les élections, l’abandon des Harkis par le gouvernement français de 1962. Les télégrammes de Messmer et Joxe les 12 et 16 mai 1962 sont sans ambiguïté. Les propos du Président De Gaulle non plus. Cette reconnaissance de l’abandon et de ses conséquences en métropole comme en Algérie est indispensable pour la résilience des personnes et l’honneur de notre République.
Ensuite, il en découlera logiquement une évaluation des préjudices matériels et moraux pour les parents comme pour les enfants, isolés dans des hameaux de forestage voire enfermés dans des camps aux conditions de vie quasi carcérale. Avec pour conséquence une rupture d’égalité des chances et une entrave évidente à la réussite scolaire et professionnelle. Quelques réussites brillantes ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Après cette évaluation par une commission de hauts magistrats et experts, une réparation sera proposée.
Compte tenu de l’âge moyen des quelques milliers de Harkis encore en vie, en attendant une évaluation de la réparation, nous proposons à titre d’avance de doubler la rente viagère.
Nous espérons que votre intérêt pour cette page de notre histoire se traduira par un soutien à une proposition de loi ou à un projet de loi gouvernemental qui transcende les clivages partisans. Car c’est une loi qui doit être votée à l’unanimité, au Sénat comme à l’Assemblée, pour la grandeur de la France et pour l’honneur des représentants de la Nation. C’est une question de morale, de vérité et de justice. Pour les Harkis et pour tout le pays.
Les signataires :
Mohand HAMOUMOU, Président national d’AJIR, sociologue, officier de la Légion d’Honneur
Général François MEYER, Président d’Honneur d’AJIR, Grand-Croix de la Légion d’Honneur
Abdelkader HAROUNE, Président des « chemins de la réussite », Membre du CPV, Vice-Président d’AJIR
Alain FERKI, Président des Porte-drapeaux des Pyrénées Atlantiques, Vice-Président d’AJIR
Karim DERDAB, porte drapeau des anciens combattants FM de la Moselle. Vice-Président d’AJIR
Mohamed HADDOUCHE, Président du Fonds pour la Mémoire des Harkis
Claire HOUD, Entrepreneure, ancienne Présidente du FMH
Serge CAREL, Président de la Fédération nationale réparation pour les Harkis
Dalila KERCHOUCHE, Journaliste et auteure
Brahim BOURABA, Président de Trait d’Union (Roubaix)
Kadra SAFRIOUNE, Présidente d’association (Dijon)
Ahmed MEHRAZ, Président de l’Union départementale (Moselle) des Harkis rapatriés
Ali AMRANE, Adjoint au maire de Grasse, Président des associations de Harkis des Alpes-Martimes
Khaled BENFERHAT, ancien maire et conseiller départemental (Alpes de Hautes Provence)
Mohamed BAZIZ, Inspecteur Général de l’Education Nationale, Président d’AJIR Normandie
Affif DJELTI, Champion de boxe (de France, d’Europe et du Monde), membre d’AJIR
Mohamed RABEHI, Vice-Président de l’UNACFM, Vice-Président du FMH
Djilali SALAHOUI, Président d’Association Francs-Comtois rapatriés, Vice-Président du FMH
Kader HAMOUMOU, Président de l’Association reconnaissance, mémoire et réparation pour les Harkis,
Hamid KHEMACHE, Président de l’association des Harkis de Dordogne
Jacques ALIM, Consultant, Adjoint au maire de Dreux,
Fatima DJEMAÏ, ancienne adjointe au maire de Châlons-en-Champagne, membre du Conseil national de LR
Amar TALATA, Président de l’Association ADER Dreux
Tayeb KACEM, Président de l’association des Harkis de Maine et Loire
Jean Pierre BEHAR, Président de l’Association des Anciens Combattants Harkis de Mouans-Sartoux.
Jeannette DRISS, ancienne Adjointe au maire (Carcassonne)
Georges MESSAOUD, Président de l’association des Harkis de Carros
André SEBY, Président d’association Alpes Maritimes
Taiffour MOHAMED, Président d’AJIR Auvergne
Farid MOUSSAOUI, Président de Mémoire des Harkis de l’Eure
Fatiha DJENANE, Présidente d’association
Belkacem GUEROUI, Président de Mémoire de l’Armée d’Afrique,
Zohra BENGUERRA, Déléguée régionale AJIR Occitanie
Nora FORTE, Déléguée régionale AJIR PACA
Bacta BOUCHEIDA, Fonctionnaire, déléguée départementale AJIR