Lettre au président de la République

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Le 20 novembre 2020, les Présidentes et Présidents des associations du réseau AJIR pour les Harkis ont écrit au Président de la République, Emmanuel Macron.

Monsieur le Président,


Le 24 juin 2020, vous avez confié à l’historien Benjamin STORA la mission de vous faire des recommandations sur «  les gestes à effectuer et les actions à engager dans les mois et années à venir »  afin d’avancer dans le travail de mémoire en France et en Algérie et que cette « histoire soit connue et regardée avec courage et lucidité ».  Votre homologue algérien a désigné Abdelmajid Chikhi,  directeur des archives algériennes pour une mission analogue.


Si l’intention est louable, la méthode est regrettable. Le choix d’un seul historien, de plus connu pour son engagement politique proche du FLN algérien, a suscité des inquiétudes. Côté algérien, le choix du gardien du temple de l’histoire officielle du FLN ne présageait pas beaucoup d’objectivité. Dès la nomination de ces experts, beaucoup ont regretté que le choix ne se soit pas porté sur une équipe pluridisciplinaire et internationale à même de garantir plus d’objectivité et d’ouverture vers tous les domaines possibles de coopération.


 Nous avons également alerté sur les risques d’excuses voire de repentance, a fortiori à sens unique. Renforcer les liens entre 2 pays ne peut se faire en ravivant des plaies, en alimentant du ressentiment, ni en acceptant des oukases de l’une  des parties. 


Or Monsieur CHIKI vient de déclarer lors d’une interview à la revue de l’armée El-Djeich que selon les autorités algériennes « … certains dossiers sont hors de discussion tel que le sujet des Harkis… ». Pire, il ose dire  que « les Harkis ont quitté l’Algérie de leur plein gré. » Lorsqu’on sait que des dizaines de milliers de  Harkis ont été emprisonnés, torturés ou massacrés après le cessez le feu, au mépris des Accords d’Evian, censés garantir la sécurité des biens et des personnes, on ne peut qu’être outré par de tels propos.

 
Les associations de Harkis soussignées tiennent à vous faire connaître leur indignation. De tels propos, sans réaction officielle de notre pays, blessent une population déjà meurtrie par les drames vécus en Algérie et les souffrances endurées ici en raison d’un accueil honteux. 


Votre volonté de tenir un discours de vérité sur le passé pour privilégier l’avenir, dans une logique d’apaisement, ne peut s’accommoder des propos de Monsieur Chiki ou de demandes d’excuses. 


Nous serons vigilants à la suite que vous donnerez, ou pas, à cette mission. Car quelles que soient les « recommandations » de Benjamin Stora, c’est à vous seul que reviendra la décision de rassembler ou de diviser les Français, d’apaiser ou de blesser une composante de la Nation française. 


Nous espérons de vous la garantie que les Harkis ne seront pas victimes par l’oubli d’une prétendue réconciliation franco algérienne qui s’annonce mal.  A l’évidence les conditions ne sont hélas pas réunies pour cette démarche telle qu’entreprise. 


Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, à notre considération respectueuse.