Veuves : interview de Mohand Hamoumou

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La bataille pour réparer l’injustice qui frappe certaines veuves de Harkis, en fonction de la date de décès de leur époux, va se poursuivre au Sénat… Dans une interview Mohand Hamoumou, président d’AJIR, explique pourquoi il est si important de se mobiliser pour le « match retour » de cette bataille.

AJIR a lancé un appel à soutiens, sous forme de pétition, pour appuyer votre demande en faveur des veuves de Harkis. Où en est cette pétition ?
Plus de 60 présidents et présidentes d’associations ont spontanément soutenu l’action en faveur des veuves d’anciens Harkis. 
Parmi eux des présidents et présidentes d’associations, comme Aziz Méliani, Hocine Bouarès, Hacène Arfi, Ali Amrane, Messaoud Kafi, Jean Marie Schmitz, Ahmed Goudjil, Fatum Laouar, Colette Pétrod, Nadia Viviani, Dali Naceri, Ghalia Thami, etc …* 
De nombreuses personnalités aussi, dont Dominique Schnapper, Boris Cyrulnik, Denis Peschanski, Serge Barcellini, Alain de la Morandais, Jean Jacques Jordi, Guy Pervillé, Mohamed Sanhadji, Jamel Oubechou….Ainsi que de nombreux parlementaires.


Plus de 1400 personnes ont signé la pétition jointe en quelques jours et d’autres vous ont exprimé leur soutien par mail. Satisfait ?
En quantité, c’est à la fois beaucoup et peu. Beaucoup par rapport aux dernières pétitions lancés par certaines associations. Mais c’est peu par rapport au nombre élevé d’associations (environ 200) et par rapport aux 600 à 700 000 personnes que compte cette composante de la Nation. Et surtout, cette action devrait être soutenue en dehors de cette « communauté de destin » par tous les citoyens épris de justice.


Mais tout le monde n’est pas au courant. Il n’y a pas eu d’article dans la presse nationale. 
Vous avez raison. Mais notre urgence a été d’informer et mobiliser les députés et maintenant les sénateurs.
Et bien sûr d’attirer l’attention de l’Elysée et de Matignon sur ce sujet, dans un contexte où il y a des sujets nationaux et internationaux graves qui les accaparent. La pétition est un appui grâce à la qualité des signataires. 


On peut encore signer cette pétition pour soutenir l’action pour les veuves de Harkis ?
Oui on peut signer jusqu’au vote du budget (vers le 8 décembre) en cliquant sur le lien https://chng.it/BMysLkgGcg 
Attention, ne pas verser d’argent car il n’irait pas à AJIR mais à la plateforme qui met en ligne les pétitions. On peut aussi apporter son soutien par mail (ajirfrancecontact@gmail.com)


Personne ne peut être contre cette action. Peut-être que beaucoup ne savent pas de quoi il s’agit ? Vous pouvez rappeler l’objectif ?
Il s’agit de mettre fin aux disparités injustifiées entre les allocations de reconnaissance et viagères versées aux veuves. Ces différences selon la date de décès du mari sont choquantes. Elles ont été générées, involontairement, par l’accumulation de textes entre 2005 et 2022. Notre demande est simple, juste et financièrement possible : 700€ pour toutes les veuves. Et même, dans l’idéal, pour tous les Harkis aussi, quelle que soit l’option choisi en 2005. 


Aujourd’hui pour les veuves dont le mari avait choisi en 2005 l’option 2 (Capital de 20 000€ + allocation) certaines perçoivent 700€ et d’autres 500€.  Et Pour l’option 3 (capital de 30 000 sans allocation) certaines touchent 700€ et d’autres zéro ! On demande 700€ pour toutes. 


Cette proposition fait partie des 33 propositions contenues dans le rapport de 70 pages remis en avril dernier à Jean Marie Bockel (CNIH) et à Patricia Mirallès, Secrétaire d’Etat aux anciens combattants. Quel accueil avait-elle reçu ?
Plutôt positif. Jean Marie Bockel comme Patricia Mirallès ont bien compris qu’il serait juste de régler cette situation injuste créée involontairement par l’empilement de textes. La CNIH a un pouvoir de proposition et elle a retenu ce sujet. Jean Marie Bockel, ancien ministre, soutien notre demande. La Secrétaire d’Etat essaie de convaincre Bercy de la pertinence de notre demande…


On sait que Bercy (le ministère des finances, essaient de réduire les dépenses ! On imagine qu’il freine contre votre proposition ?   

Bercy est dans son rôle. Les parlementaires et nous dans le nôtre ! Notre proposition couterait environ 6 millions d’euros pour harmoniser les allocations pour toutes les veuves. Et 11 millions si on fait aussi pour tous les anciens Harkis encore vivants. Ce sont des sommes très modiques qui peuvent être absorbées par le budget des « anciens combattants, mémoire et lien avec la nation » qui se monte à près de 2 milliards.  Et ce n’est pas ces 6 ou 11 millions qui vont changer dramatiquement la dette du pays de trois mille milliards d’euros ! On peut faire des économies ailleurs !


L’amendement proposé par AJIR a convaincu des députés de tous les groupes. C’est plutôt bon signe ?
 Oui il a été voté en commission des finances le 25 octobre. Et à l’Assemblée, pour le débat, les groupes LFI, PS, LIOT, LR, RN avaient déposé notre amendement. Je pense qu’il sera aussi largement repris et soutenu au Sénat. Les parlementaires ont bien compris que cette situation pour les veuves de Harkis n’était pas juste et qu’il fallait la régler vite et dignement.


Hélas, il n’y a pas eu de débat sur aucun amendement concernant le budget « anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ». La Première Ministre, avec le 49.3 a empêché les débats et imposé son budget. 


Nous nous y attendions. C’est pour cela que nous lui avions demandé de reprendre notre amendement dans son projet de budget.  Elle ne l’a pas fait. Mais elle le peut encore le faire.


Et maintenant, que faire ? 
Nous allons continuer, plus nombreux encore, à demander justice pour les veuves de Harkis. Elles le méritent. Longtemps, elles se sont tues par pudeur, avec dignité. Nous serons leurs voix.


A l’Assemblée nationale, le 7 novembre nous avons perdu le match aller, sans même le jouer, puisque l’arbitre a arrêté la partie prématurément avec le 49.3.
Mais il y a le match retour au Sénat. Nous continuerons à mobiliser : sénateurs, amis des Harkis, d’autres associations. Il faut poursuivre ce mouvement national d’union sacrée. Car si ce n’est pas passé hier, cela peut passer demain. J’en suis convaincu.


Continuons à nous unir et à agir.


Propos recueillis par Harkis Dordogne le 14 novembre 2023
*voir la liste sur ajir-harkis.org